Shining
USA / 1980 / 115‘ (version européenne) / fiction / horreur / 35 mm couleur
Lycéens et apprentis au cinéma 2021-2022
L'histoire
Jack Torrance accepte l’emploi de gardien d’un hôtel fermé durant l’hiver. Il s’y installe pour quelques mois avec sa femme et leur petit garçon, Danny. Celui-ci, doué d’un pouvoir mystérieux (le “shining“), réalise que le lieu est hanté et que les évènements tragiques qui s’y sont déroulés vont se reproduire.
Bientôt, Jack, comme possédé, tente de massacrer sa famille. Danny et sa mère lui échappent de justesse.
Fiche technique
Réalisation Stanley Kubrick
Scénario Stanley Kubrick, Diane Johnson, d'après le roman éponyme de Stephen king
Avec Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd, Scatman Crothers
Image John Alcott
Son Ivan Sharrock
Montage Ray Lovejoy
Musiques Wendy Carlos (d’après Berlioz) ; Rachel Elkind ; György Ligeti, Bela Bartok, Krzysztof Penderecki
Production Warner Bros / Hawk, Peregrine Films
Distribution France Warner Bros.
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Le réalisateur
C’est par la photographie que Stanley Kubrick (1928-1999) vient à l’image. Il passe très jeune à la réalisation cinématographiqueavec des films d’abord situés dans la lignée du film noir.
Ambitieux et visionnaire, il s’affranchit vite des normes : immédiatement reconnaissable par un style personnel très construit, il engage sur le plan de la production une âpre lutte avec les Majors pour rester en marge des circuits officiels et gagner son indépendance.
Revisitant en une douzaine de films les standards du cinéma mondial (le péplum avec Spartacus, la comédie de mœurs avec Lolita, la satire politique avec Dr. Folamour ou Orange mécanique, la science-fiction avec 2001, l’Odyssée de l’espace, l'horreur avec Shining, le film de guerre avec Full Metal Jacket), il y imprime définitivement sa marque.
Il meurt pendant le mixage d’Eyes Wide Shut (1998), aux dernières heures d’un siècle dont il a traduit toute la complexité en un mélange rare de pessimisme distancié et de poésie.
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ACTEURS ET PERSONNAGES
Jack Nicholson (né en 1937) est déjà une grande star lorsque Kubrick le choisit pour Shining. Depuis le début de sa carrière, il s’est fait une spécialité de personnages introspectifs et excessifs qui passent du mutisme au déferlement de violence le plus outrancier. Ainsi de sa composition dans Vol au dessus d’un nid de coucou (Milos Forman) qui lui vaut un oscar en 1975. Le personnage de Jack, à qui il conserve tout son mystère – entre folie, possession et bouffonnerie – lui ouvrie la porte d’autres rôles fantastiques : pour Tim Burton, il incarne le Joker dans Batman (1988), ou le président des Etats-Unis dans Mars Attacks ! (1996), avec un égal cabotinage jouissif et maîtrisé.
Shelley Duvall (née en 1950) fut découverte par Robert Altman (Brewster Mc Cloud, 1970). Elle s’illustre également dans Annie Hall (1977) de Woody Allen avant d’incarner Wendy dans Shining. Elle confiera plus tard que le tournage en fut particulièrement éprouvant tant Kubrick l’aurait mise sous pression. L’étrangeté de son physique, l’impression de déphasage permanent qui ressort de sa composition, rendent le personnage de Wendy très indistinct, à la fois tragique et comique.
Scatman Crothers (1910-1986) s’est illustré à partir du milieu des années soixante dans des seconds rôles variés et soignés : il participe aussi bien à des films pour enfants (Les Aristochats, Wolfgang Reitherman, 1970) qu’à des drames (Vol au dessus d’un nid de coucou) ou des westens (Bronco Billy, Clint Eastwood, 1980). Il interpète ici le vieux cuisinier Halloran qui initie Danny aux pouvoirs du “shining“. De par le spectre de son jeu,qui va de la bonhomie à la gravité, il instille dès l’orée du film le sentiment du fantastique et de “l’inquiétante étrangeté“.
LE PREMIER PLAN
Le premier plan de Shining joue doublement son rôle d’ouverture.
Ouverture maximale du regard avec un plan général de vingt secondes survolant un vaste paysage de l’Ouest américain.
Ouverture concomitante du thème musical du film avec un inquiétant morceau au synthétiseur paraphrasant le Dies Irae de la Symphonie fantastique de Berlioz.
Or, ce premier plan est un piège. La musique, qualifiée par Wendy Carlos, sa compositrice, de “thriller gothique anachronique“, brouille toute caractérisation générique évidente : Shining ne s’accote aux grands espaces américains et aux parages du western que pour en ausculter les marges et le refoulé. Ce paysage est aussi majestueux qu’inquiétant.
Le spectateur ne cesse de s’y abîmer dans un mouvement de pénétration que le rythme régulier de la musique et du mouvement de caméra renforce. L’isolement central de l’île, le dédoublement de la vision permis par les reflets sur le lac installent déjà la figure du labyrinthe. Dès ce premier plan, le film met en place son processus d’aspiration. Il s’agit bien moins d’un “paysage“ que d’une vision active et corrosive.
Ainsi se pose la question cruciale du film :
quelle conscience, occulte mais en acte, prend ici en charge la vision ? Il peut s’agir tout autant d’un Esprit maléfique (indien ?) que celui d’un narrateur omniscient ; ou encore celui du réalisateur, seule authentique puissance maligne et omnisciente du film.
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FIGURES
Le plus mémorable dans Shining reste sans doute la poursuite qui termine le film.
Ce motif n’est pas spécifique au genre fantastique. C’est aussi un motif privilégié du film noir et du western.
À chaque genre son univers, à chaque cinéaste sa façon de le traiter. Analysons ici les choix de mise en scène de Kubrick pour la séquence finale dans le labyrinthe enneigé.
Kubrick met en place un dispositif qui empêche le spectateur d’évaluer objectivement l’avancée de la poursuite. Il choisit un espace vide et labyrinthique à l’intérieur duquel les personnages ne sont jamais situés l’un par rapport à l’autre. Un principe de montage alterné, passant sans cesse de la proie au prédateur, renforce la désorientation du spectateur. En fin de séquence seulement, un plan réunit dans le champ les deux personnages (travelling latéral qui relie Danny, caché derrière la haie, et son père passant de l’autre côté sans le voir).
La vision subjective du point de vue de Jack accentue encore cette tension dramatique : elle ne montre que les traces de pas de Danny, empêchant toute appréciation de la distance qui les sépare.
Jusqu’à la ruse de Danny, le spectateur ne sait pas si son père le poursuit ou ne peut le voir.
Toutefois, quelques indices permettent d’imaginer une progression dans la traque. Les plans subjectifs, en effet, sont plutôt attribués à Jack au début de la poursuite, et à Danny à la fin, suggérant ainsi une évolution du rapport de force. Parce qu’il maîtrise l'espace visuel, c’est Danny qui devient peu à peu maître du labyrinthe.
Enfin, l’usage du steadicam amortit les mouvements brusques de la caméra et fait que la poursuite n’est pas filmée de façon réaliste (comme dans un reportage, par exemple, caméra à l’épaule). La traque devient ici un processus abstrait qui établit le sentiment d’une fatalité.
Il est intéressant de comparer ce dispositif à celui d’autres films. On peut notamment chercher les différences et les similitudes avec le film de John Landis, Le Loup-Garou de Londres, réalisé un an après Shining, et qui met en scène une scène spectaculaire de poursuite dans le métro. Dans cette dernière, c’est parce que le monstre est invisible qu’il l’emporte à la fin.

MOTS_CLÉS
Le plan général correspond au plus large cadre possible. Il montre l’ensemble d’une vue et des décors. Il sert contextualiser l'action d'un film, ou à décrire une action générale.
Le steadicam est un système de caméra stabilisée (par un harnais et un contre-poids) qui annule toute vibration de la caméra, même quand la caméra bouge beaucoup !
L’ellipse , par le montage, permet de passer d'un instant du film à un autre. C'est à nous, spectateurs, de refaire le lien entre ces deux instants !
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Le retour ici
Shining
La fin
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MONTAGES
Shining est un voyage au pays de la peur. Au détour d’une situation ou d’une image, le spectateur peut en effet reconnaître des figures traditionnelles du cinéma d’épouvante ou de la littérature fantastique.
Utilisant ainsi l’imaginaire collectif ou le mythe, le réalisateur nous confronte à nos angoisses les plus intimes et primitives. A partir des photogrammes réunis ici, et en vous aidant éventuellement d’un dictionnaire, retrouvez ce qui peut correspondre dans le film à l’univers gothique du château hanté et de la sorcellerie, au motif du pacte avec la diable, aux personnages du possédé satanique, du vampire et du succube, du loup-garou, du petit chaperon rouge, de l’Ogre, de Barbe-Bleue, du Croquemitaine, du Grand Méchant Loup des contes ou des dessins animés, ou encore au mythe du minotaure.
En cherchant dans vos souvenirs de lectures et de films, Shining vous fait-il penser à d’autres classiques de la peur ?
1,2,3
Dans cette série de trois plans consécutifs (ci-dessous), les couloirs de l’hôtel. se referment comme un piège sur ses occupants.
Ainsi, la famille n’est installée ici dans son quotidien que pour être mieux rattrapée par le mystère qui pèse sur l’hôtel depuis les séquences introductives.



PS / POUR CEUX.CELLES QUI AIMENT LIRE ET CHERCHER DANS UNE BIBLIOTHÈQUE
- Jean-Pierre Oudart, “Les inconnus dans la maison“, Cahiers du cinéma n° 319, janvier 1981.
- Jean-Loup Bourget, “Le territoire du Colorado“, Positif n°234, septembre 1980.
- Michel Ciment, “Kubrick“, Paris, Calmann-Lévy, édition définitive 1999.
- Michel Chion, Stanley Kubrick, l’humain ni plus ni moins, Paris, Cahiers du cinéma, collection Auteurs, 2005.