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J'ai perdu mon corps

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Lycéens et apprentis au cinéma 2023-2024

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Prodiges de la main

 

Les péripéties de la main à travers la ville représentent l'attraction majeure de J'ai perdu mon corps. Un véritable film dans le film, qui s'inspire d'un genre cinématographique appelé le survival (en français : le film de survie). Le genre consiste ainsi à plonger des individus dans un milieu hostile auquel ils devront survivre — souvent une contrée sauvage ou primitive. Dans J'ai perdu mon corps, il s'agit d'un environnement plus commun (la ville) que le gabarit miniature de la main convertit en lieu de tous les dangers. Ces dangers s'incarnent d'abord en l'homme, au regard duquel la main — véritable aberration vivante — doit se soustraire en se dissimulant constamment (elle fera d'ailleurs halte dans plusieurs refuges : le domicile d'un non-voyant, la chambre d'un bébé). Mais son véritable ennemi est la faune rampante ou ailée de la ville (rats des métros, pigeons des toits, fourmis des parcs), meute aux abois contre laquelle elle doit constamment se défendre. Heureusement, cette main peut compter sur ses facultés prodigieuses, qui lui permettent de se faufiler et de s'agripper partout, mais aussi d'utiliser les différents accessoires qu'elle trouve sur son chemin (comme un briquet face aux rats). Tout en donnant parfois au film des allures de jeu de plateforme, cette inventivité rappelle combien la main (et plus spécifiquement la préhension : la capacité de pouvoir saisir les choses) demeure la grande spécificité de l'homme.

Des hommes et des machines

La gestation d'un film est particulièrement laborieuse dans le cinéma d'animation. Si la révolution numérique des années 1990 a fluidifié (en le dématérialisant) le processus de fabrication (réduisant au passage les coûts de production et ouvrant aux films des possibles infinis), elle a aussi multiplié le nombre d'étapes intermédiaires. Des premières ébauches au rendu final, c'est une multitude de logiciels et de compétences qui se passent dorénavant le relais. Malgré un budget limité pour le secteur (cinq millions d'euros, loin des centaines de millions de dollars déversées par Disney dans ses différentes productions), J'ai perdu mon corps ne déroge pas à la règle. Il faut dire que le réalisateur Jérémy Clapin a opté pour un parti pris original, et même hybride. Le film mêle ainsi animation en trois dimensions et dessin en deux dimensions. Après un travail de modélisation et d'animation en volume, l'équipe d'illustrateurs
a en fait dessiné « par-dessus » les images au crayon numérique — un peu comme dans la technique d
e la rotoscopie (technique d'animation mise au point en 1915, qui consiste à dessiner par-dessus des images filmées en prises de vues réelles, à les décalquer en quelque sorte). Générées depuis les entrailles des ordinateurs, les images de J'ai perdu mon corps s'incarnent donc en bout de processus à travers la main de l'homme — c'est-à-dire à travers ses imprécisions, ses accidents, sa fébrilité, conférant à l'univers visuel du film une patte à la fois brute et stylisée.

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Paris, ville souvenir

 

On n'y prête pas forcément attention en voyant le film pour la première fois, mais J'ai perdu mon corps se déroule dans les années 1990. Ce choix peut paraître étonnant, tant le film s'emploie à ancrer son histoire farfelue dans un milieu aussi sobre et réaliste que possible. Jérémy Clapin a en fait choisi cette époque pour deux raisons. La première tient à un détail autobiographique tout simple : les années 1990 sont celles de son adolescence, puis de ses études aux Arts Déco de Paris — ville qu'il dépeint donc sur le mode du souvenir et de l'expérience quotidienne, déclinant une poésie urbaine loin des habituels clichés de carte postale.

La seconde est plus fonctionnelle : selon le réalisateur, il aurait été contre-productif de situer cette fiction dans une ère digitale, où le réel est filtré par des écrans : « Avant, on entretenait un rapport tactile au réel, on devait chaque fois se déplacer physiquement pour observer et vérifier les choses. Dans le film, il ne fallait pas que la main puisse faire une recherche Google et prendre un Uber pour retrouver Naoufel.

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