Un son qui touche

Si J'ai perdu mon corps et sa mise en scène à hauteur de main font la part belle aux expérimentations visuelles, la place du son dans le film n'est pas à négliger, bien au contraire. C'est déjà un trait constitutif du personnage de Naoufel, dont le rapport au monde est déterminé par l'enregistrement sonore, auquel il s'adonne depuis qu'il a reçu un magnétophone et un micro pour son anniversaire. C'est ensuite un enjeu majeur de l'intrigue, puisque ces deux outils ont eu un rôle déterminant dans l'accident tragique qui a emporté ses parents. Mais surtout, le son établit une passerelle sensible entre Naoufel et sa main. Cette dernière est en effet une force aveugle, condamnée à appréhender son environnement sur un mode tactile, parcellaire. Matière suggestive et invisible, le son permet dès lors de relier l'expérience de la main à celle de son propriétaire : la main regarde le monde à travers le toucher, l'enfant le regarde à travers le son. Le film multiplie ainsi les correspondances entre ces deux sens : par exemple lorsque Naoufel montre à Gabrielle, une jeune fille qu'il souhaite séduire, comment simuler le bruit des pas dans la neige, en opérant des pressions alternées sur ses oreilles avec ses mains. Il n'est pas non plus innocent que la première rencontre entre les deux personnages s'opère dans un registre strictement sonore, à travers une conversation par interphone interposé — tout comme l'épilogue, entièrement suspendu à l'écoute d'une bande sonore.