L'esprit des lieux
FRANCE / 2018 / 91' / Documentaire / 1.66 / couleur
Lycéens et apprentis au cinéma 2021-2022
L'histoire
Héritier d’une pratique paternelle, Marc consacre
l’essentiel de son temps à sa passion : “Je vis au pays des sons“. Cette quête existentielle l’a conduit à s’enraciner à la lisière d’un massif forestier,
dans les Vosges, et à y fonder une famille.
À la tombée du jour, il camoufle ses micros
dans un sous-bois, déclenche la prise de son,
puis s’éloigne jusqu’à se fondre dans la nature. Toute la nuit, le dispositif capte des ambiances sonores : souffles, cris, chants, grattements...
De retour en studio, Marc écoute les enregistrements afin d’en extraire les pépites. Curieuse et intriguée par ses activités nocturnes, sa fille Lucie manifeste l’envie de l’accompagner. Elle est souvent la première auditrice des tableaux sonores que crée son papa. Son travail commence à faire parler de lui, dans les écoles, les milieux artistiques, la scène musicale…
Bientôt, un compositeur, Christian Zanési,
lui propose de collaborer à la création d’une pièce de musique électroacoustique.
Fiche technique
Réalisation, montage
Stéphane Manchematin / Serge Steyer
Avec Marc Namblard
Image Gautier Gumpper
Son Stéphane Manchematin / Marc Namblard,
Production Les Films de la pluie / Ana Films /
France Télévisions :
Bande-annonce ici
Serge Steyer et Stéphane Manchematin
“Nous voulions faire un film dont le spectateur serait d’abord un auditeur.
Au point qu’il puisse se sentir autorisé à fermer les yeux s’il le souhaite...“
Les réalisateurs
Serge Steyer s’est engagé dans la voie du documentaire en 1990.
Il a réalisé une trentaine de films :
Vivre en ce jardin, Huis clos pour un quartier, En attendant le déluge,
les portraits de Jacques Ellul,
Jean-Marie Pelt, Bireli Lagrène,
Kaija Saariaho…
Il dirige actuellement KuB (Kultur/Bretagne), média en ligne qui diffuse, en libre accès, des documentaires, fictions, clips, webcréations...
Stéphane Manchematin s’intéresse aux formes et aux écritures documentaires depuis une vingtaine d’années.
Il a monté, produit, écrit et réalisé des documentaires, pour la télévision (France Télévisions, Vosges Télévision, Arte), la radio (France Culture notamment, où il a réalisé des documentaires pour Sur les Docks et des séries À voix nue) et le cinéma.
Il enseigne le cinéma et l’audiovisuel
à l’Université de Lorraine.
Serge et Stéphane collaborent régulièrement depuis l’an 2000.
En 2014, ils ont co-réalisé Le Complexe de la salamandre, sorti en salles et sélectionné dans plusieurs festivals en France et à l’étranger.
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LES SONS AU CINÉMA
Dans la perspective d’un travail d’écoute et de réflexion sur les sons d’un film, posons certains principes et définissons quelques termes permettant de désigner l’entendu :
- Les sons du film (contrairement aux images du film, qui elles sont “découpées“ par le bord du cadre) n’ont pas de limites spatiales précises.
- Il n’y a pas de limite au nombre et aux agencements des sons dans un plan de cinéma.
- Les sons et les images concourent ensemble au sens, à la forme, aux effets du film.
Ils sont à considérer essentiellement dans leurs interactions.
“On distingue les sons IN, HORS CHAMP, OFF :
IN : un son dont la source concrète est visible en même temps à l’écran.
HORS CHAMP : un son, quel qu’il soit (voix, bruit, etc...) dont la source n’est pas visible en même temps sur l’écran, mais est supposée exister dans le lieu
et le temps de la situation montrée.
OFF : un son dont la source non seulement n’est pas visible en même temps sur l’écran, mais est supposée appartenir à un autre temps et un autre lieu,
réel ou imaginaire, que la scène montrée à l’écran.“
Extraits du glossaire de 100 concepts pour penser et décrire le cinéma sonore – Michel Chion.
L'histoire du son au cinéma, c'est ici
LES MÉTIERS DU SON AU CINÉMA
La création du son des films est un processus complexe et minutieux qui nécessite de nombreuses compétences. Il existe plusieurs métiers spécialisés :
L’ingénieur(e) du son est le/la garant(e) de la qualité sonore de tout enregistrement : sur le tournage d’un film, pendant une émission de télévision
ou de radio, lors d’un spectacle, etc. Il/elle travaille en étroite collaboration avec le réalisateur, le producteur ou l’artiste pour favoriser une prise de son optimale.
L’opérateur(trice) de prise de son est un(e) technicien(ne) du son capable d’intervenir en studio et ou extérieur, en choisissant le matériel dont il a besoin, effectuant les réglages appropriés. Il intervient en respectant les consignes données par l’ingénieur(e) du son avec le/la perchman, appelé(e)
aussi perchiste ou assistant(e) son.
Le/la monteur(euse) son s’occupe d’assembler les sons directs enregistrés lors du tournage des scènes et les ambiances, effets et musiques que le mixeur va utiliser pour composer la bande son finale.
Le/la mixeur(euse) mixe (équilibre des pistes sonores entres elles, effets, spatialisation, etc.) les éléments sonores enregistrés lors des tournages et les autres sons ajoutés lors des étapes de montage (ambiances, musiques, etc.) ou d’enregistrements complémentaires en studio (doublage, voix off, commentaires, etc.).
Le/la bruiteur(euse) produit manuellement ou mécaniquement des effets sonores pour des films, des émissions de télévision et même pour la radio.
Les cinéastes font par ailleurs appel aux musiciens et compositeurs (... ou à un audio-naturaliste comme Marc Namblard) pour enrichir la matière sonore du film. Dans le cadre d’une réalisation en équipe réduite, en particulier dans le cinéma documentaire, il n’est pas rare qu’une seule personne assure successivement plusieurs de ces rôles.
Serge Steyer et Stéphane Manchematin – extrait du dossier
de production de “L’esprit des lieux“ :
“Avons-nous conscience, lorsque nous regardons un paysage, qu’une partie des émotions ressenties provient du fait que nous l’écoutons aussi ?
Notre écoute dirige notre regard, nous permet parfois de mieux appréhender,
de synthétiser.
Un sentiment de plénitude éprouvé dans un lieu peut tenir à la qualité du silence
qui l’accompagne, même si cela devient de plus en plus rare.
Reste-t-il un endroit au monde où l’on puisse durablement échapper au bruit d’un avion
ou d’autres pollutions sonores ?“
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La fin
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MARC NAMBLARD, audio-naturaliste
“Les audio-naturalistes existent depuis plusieurs décennies. Ils étaient généralement qualifiés de soundtracker, de chasseur de son, de preneur de son naturaliste. Le mot audio-naturaliste a été inventé par Fernand Deroussen pour mettre l’accent sur ce qui fait l’essence de cette activité et donc sur ce qui nous rassemble tous : la passion du son et de la nature réunies.
Les sons qui intéressent l’audio-naturaliste existent sur notre planète depuis des millénaires. La plupart d’entre eux résultent d’un équilibre issu d’une longue évolution,
en lien direct avec les contraintes acoustiques des milieux. C’est ce qui explique sans doute le sentiment d’harmonie que l’on peut ressentir lorsque l’on se retrouve dans un coin de forêt à haute naturalité, au printemps, en essayant de faire abstraction des bruits d’avion ou de tronçonneuse au loin. Chaque son semble à sa place, à la fois accordé aux autres et suffisamment différent pour mener sa propre vie et surtout faire passer son message. Voilà ce qu’aime célébrer l’audio-naturaliste dans son travail.“
L'ANALYSE DE SÉQUENCE-“TENDRE L'OREILLE"
Tout film pose dans son ouverture les conditions de sa réception.
L’esprit des lieux procède par immersion visuelle, du dedans vers le dehors, de la lumière vers la nuit. Mais bien plus encore par immersion sonore,
en mêlant les textures, les rythmes et les structures, en les ralentissant jusqu’à raréfaction.
Par un processus d’assèchement progressif tendant vers le silence. Pour enfin entendre.
D’abord un fond d’air (room tone) comme on dit dans le métier : le vrombissement continu d’un appareillage électrique, un chauffe-eau peut-être. Un bruit banalde notre quotidien moderne, un bruit contraint par l’espace clos d’un garage au plafond bas. Puis le chant aigu de l’hirondelle.
Contraste.
Puis le bruit léger du pas de Marc qui s’approche, comme un chat. Glissement. Une ambiance plus feutrée, celle du bureau de Marc.
À ce son d’intérieur s’ajoutent des cris lointains d’animaux forestiers. Surgissement violent des pas du cerf. Contraste encore.
D’autres pas, ceux de Marc qui s’enfonce dans les bois. Continuité.
Variations : le pas du marcheur ponctue sa progression. Le sol minéral du chemin, celui végétal des épines sèches puis du tapis de mousse forestier, humide, ruisselant. L’audio-naturaliste est un animal bruyant, à son corps défendant. Il lui faudra disparaître pour écouter. Il se fond dans les branches, convoque la lune et attend la nuit.
Le ton est donné. Il vous faudra tendre l’oreille.