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JOSEP

France / 2020 / 74‘ / Animation

Lycéens et apprentis au cinéma 2021-2022

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L'histoire

Février 1939. Submergé par le flot de républicains fuyant la dictature franquiste, le gouvernement français les parque dans des camps. Deux hommes séparés par les barbelés vont se lier d’amitié. L’un est gendarme, l’autre est dessinateur. De Barcelone à New York, l’histoire vraie de Josep Bartolí, combattant antifranquiste et artiste d’exception.

Fiche technique

Réalisation : Aurel
Scénario : Jean-Louis Milesi
Montage : Thomas Belair
Musique : Sílvia Pérez Cruz

avec les voix de : Sergi Lopez, Bruno Solo, Gérard Hernandez
Production : Les Films d’Ici, Upside Films, La Fabrique Animation, B-Water Studio, Les Films du Poisson Rouge, Lunanime, Promenons-nous dans les bois, Tchack, Les Fées Spéciales, In Efecto
Distribution : Dulac Distribution

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Le réalisateur

Aurel est dessinateur de presse. Il travaille pour Le Monde et Le Canard Enchaîné. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont deux BD documentaires, Clandestino et La Menuiserie, et réalisé de nombreux reportages graphiques pour divers titres de la presse française. En 2011, il co-réalise avec Florence Corre Octobre Noir, son premier court métrage. Josep est son premier long métrage.

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Raconter la Retirada à travers les yeux d’un réfugié espagnol et d’un gendarme français

 

Josep est un film surprenant, tant sur le fond (la façon dont il met en récit son sujet) que sur la forme (la façon dont il met en sons et en images cette histoire). Il s’agit d’abord d’un film sur les conséquences de la guerre d’Espagne en France.


Ce conflit très complexe débute officiellement en juillet 1936, lorsque des généraux de l’armée espagnole décident de prendre les armes avec les soldats qu’ils ont sous leur commandement. Les raisons de ce soulèvement militaire sont politiques. En effet, depuis 1931, le régime républicain qui s’est installé en Espagne déplaît fortement à une partie de la société conservatrice espagnole, notamment à droite, à l’extrême droite, dans une partie de l’armée nationale, au sein de l’Église catholique espagnole, et chez les partisans d’un retour de la monarchie. Conscients de la fragilité de leur nouveau régime dans un pays très attaché à la royauté, les républicains composent donc des gouvernements modérés pour tenter de trouver un juste équilibre qui puisse convenir à une majorité de citoyens et de citoyennes. Mais leurs tentatives échouent et ne permettent pas de calmer les inquiétudes des conservateurs. Ces derniers ont particulièrement peur d’une extrême-gauche qui appelle à une révolution populaire, portée par le peuple et pour le peuple. Même si ce courant est très minoritaire au sein du gouvernement républicain, cette peur du « péril rouge » accentue malgré tout les tensions et les incidents au sein du pays jusqu’en 1936.

Face à ce contexte instable et violent, des généraux décident de passer à l’action pour rétablir de l’ordre dans un pays qu’ils jugent attaqué de l’intérieur. Néanmoins, leur soulèvement est d’abord un échec car ils ne parviennent pas à prendre les grandes villes du pays. Le gouvernement républicain leur propose alors de reformer un gouvernement dans lequel ils auraient une place importante mais les négociations échouent et la guerre éclate.

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Dès lors, les combats s’intensifient partout dans le pays [1]. Les républicains tiennent bon jusqu’en 1937 mais tout bascule finalement en 1938, lorsque le camp des nationalistes (les conservateurs), désormais dirigé par la Phalange, le parti fasciste du général Franco, enchaîne les victoires. Ce retournement est dû à plusieurs raisons, notamment l’isolement international de l’Espagne (seule l’URSS soutient les républicains tandis que Franco est soutenu par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste) et les divisions internes du camp républicain composé de nombreux courants politiques qui ne parviennent plus à s’entendre.
Seules Madrid et la Catalogne parviennent à résister jusqu’au début de l’année 1939. Mais les troupes de Franco entrent finalement à Barcelone en janvier. Les combattants républicains sont obligés de fuir la ville pour se réfugier en France. Josep Bartolí fait ainsi partie de ces centaines de milliers d’Espagnols qui rejoignent la France à pied, via les Pyrénées, dans des conditions terribles, avant d’être arrêtés par les gendarmes français [2].


L’État français est complètement dépassé par la situation et décide d’enfermer les réfugiés dans des camps construits à la hâte. Les conditions de vie sont épouvantables et conduisent à la mort de nombreux prisonniers. Ceux et celles qui survivent seront retenus prisonniers jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui vient tout juste d’éclater. Cette immense vague migratoire forcée prendra le nom de Retirada (la « retraite » en français). Plus de 450 000 réfugiés traverseront ainsi la frontière franco-espagnole en 1939, au moment où le général Franco installe une dictature qui perdurera jusqu’à sa mort en 1975.


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C’est alors que débute l’histoire racontée par Aurel, le réalisateur de Josep. Il choisit ainsi un personnage réel, Josep Bartolí, comme premier témoin de son récit [3]. C’est à travers ses yeux de réfugié que nous découvrons l’horreur des camps de concentration français, la violence de l’exil et le long travail de deuil qu’il implique. Le rôle ambigu de la France pendant et après la guerre d’Espagne est représenté par un autre personnage, cette fois-ci fictif, Serge, un jeune gendarme chargé de surveiller un camp. Il assiste d’abord impuissant à cette situation avant de choisir son camp et d’entrer en résistance [4]. Enfin, un troisième personnage, Valentin [5], petit-fils de Serge, nous rappelle à quel point il est important de transmettre les témoignages du passé pour mieux comprendre cette période méconnue de l’histoire franco-espagnole.


Encore aujourd’hui, le sujet réveille de douloureux souvenirs chez celles et ceux qui ont vécu la Retirada mais également chez leurs descendants qui s’interrogent sur leurs racines et sur leur histoire familiale. En Espagne, la guerre est un sujet très sensible qui divise régulièrement la société. La Retirada reste encore peu connue des jeunes générations, des deux côtés de la frontière. Elle fait pourtant écho à de nombreux évènements contemporains, en particulier les nombreux flux migratoires qui s’intensifient partout dans le monde pour des raisons politiques, économiques ou climatiques. Au-delà de l’exemple spécifique de la Retirada, Josep est donc un film qui rappelle que l’exil n’est jamais simple, rarement volontaire et toujours douloureux, quelles qu’en soient les raisons.

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L’esthétique de Josep : dessiner des idées en animant des souvenirs

Si certains transmettent leurs idées par les mots (écrits, parlés ou chantés), d’autres choisissent de dessiner pour s’exprimer. C’est le cas de Josep Bartolí, mais aussi celui d’Aurel, le réalisateur du film, lui aussi dessinateur. Josep est donc une rencontre entre deux artistes aux univers visuels très différents. En choisissant le film d’animation, Aurel propose ainsi de fusionner son style graphique à celui de l’artiste espagnol pour construire une esthétique singulière.


Dès les premières images, l’univers visuel dans lequel nous sommes plongés est déstabilisant. D’abord parce que nous avons très peu d’informations à l’image : quelques paysages très sombres et peu détaillés dans lesquels trois silhouettes se déplacent étrangement (ils avancent dans la neige mais leurs corps restent immobiles). Dès l’ouverture, Aurel nous place donc dans un certain inconfort. D’autant que la bande-son est elle aussi particulièrement inquiétante… [6]


Puis nous revenons dès la séquence suivante à une animation plus classique et familière. Nous sommes à Marseille, de nos jours [7]. Ce changement radical de style graphique nous indique ainsi que nous venons de changer d’époque et que l’histoire qui va nous être contée s’inscrit sur un temps long, de 1939 jusqu’à aujourd’hui. Pour mieux naviguer entre les périodes, Aurel nous offre donc des repères visuels précieux en changeant sa façon de dessiner et d’animer les images.

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Pour identifier et analyser ces différents styles graphiques, on peut observer l’évolution des décors, les contours des personnages, leurs mouvements et les couleurs qui composent l’image.


Plus nous remontons dans le passé, plus les couleurs des décors, des personnages et de l’arrière-plan seront ternes, grises, presque en noir et blanc [8]. À l’inverse, plus nous avançons dans le temps pour nous rapprocher du présent, plus les couleurs de l’environnement s’étoffent : du bleu, du rouge, du vert... Cette évolution chromatique peut traduire l’état d’esprit de Josep qui s’éloigne de l’épouvantable période de son emprisonnement (1939) pour trouver un certain apaisement au Mexique (années 1940) [9] puis à New York (des années 1950 aux années 1990) où il finit sa vie [10]. Progressivement, sa vie reprend littéralement des couleurs, tout comme ses dessins : ses croquis des camps sont en noir et blanc [11] alors que ses derniers tableaux sont en couleurs. [12]

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On retrouve aussi cette idée dans les contours des personnages. Dans le passé, ils sont plus nerveux, moins précis, comme dans les croquis de Josep Bartolí. Au contraire, les traits sont plus nets, continus, sans ruptures, lorsque l’on se retrouve à Marseille et New York avec Valentin. Là aussi, ce choix graphique peut être associé à l’état des personnages et comment ils réagissent à leur environnement. Dans les camps, leurs contours donnent l’impression qu’ils sont prisonniers de l’arrière-plan [13]. Dès qu’ils en sortent ou entrent en résistance, ils se détachent du décor, comme s’ils avaient retrouvé un peu de liberté dans l’image [14].


Enfin, les mouvements évoluent eux aussi tout au long des périodes explorées dans le film. À la frontière franco-espagnole et dans les camps, les personnages ne bougent pas. Leurs corps sont déplacés dans l’image mais on ne voit pas leurs mouvements (ils disparaissent progressivement pour réapparaître à un autre endroit). Il faut attendre de sortir de cette horrible période pour voir enfin des déplacements et des gestes qui nous sont familiers.


Ce choix de montage et d’animation du dessin est très surprenant et peut déstabiliser dès les premières minutes du film. On peut l’interpréter comme une représentation de souvenirs d’une période lointaine et traumatique. Quand nous essayons de nous rappeler des évènements que nous avons vécus, les images que nous créons dans notre esprit sont souvent fixes car il est très difficile de se souvenir d’un mouvement précis. Et lorsque l’évènement est très ancien et que notre mémoire nous fait défaut, nos images mentales deviennent moins précises puis s’effacent, comme celles du film. On peut donc considérer qu’Aurel a choisi de mettre en image les souvenirs défaillants de Serge, qui tente de se rappeler de cette douloureuse période à la fin de sa vie, et ceux de Josep, qui l’oublie peu à peu en faisant son deuil pour enfin trouver la paix. À l’inverse, plus nous nous rapprochons du présent (le Mexique, Marseille et New York), plus les souvenirs sont précis, plus l’environnement, les personnages et les mouvements sont détaillés, à l’image de notre propre mémoire…


Ce sont donc tous ces choix graphiques complexes associés à une animation inspirée et à une bande-son très maîtrisée qui donnent à Josep cette esthétique si particulière, à la fois originale et surprenante.

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La fin

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