De battre mon coeur s'est arrêté
La fin
Lycéens et apprentis au cinéma 2024-2025
Les libertés d'un remake
Choisir de diriger un remake, c’est proposer une nouvelle variation sur un thème imposé. En regardant à la suite De battre mon
coeur s’est arrêté et Mélodie pour un tueur, on peut s’amuser au jeu des sept erreurs, voir comment le film de Jacques Audiard
se distingue de sa trame d’origine. Deux différences primordiales touchent aux personnages des parents. Dans le film de James Toback, la mère pianiste est toujours vivante, mais n’a qu’une seule scène dans le film : quand elle s’explique avec son fils, à la suite de son audition ratée.
Dans De battre…, la mère est morte mais est paradoxalement plus présente, par ses enregistrements et d’autres formes d’évocation
qui reviennent plusieurs fois dans le récit. On pourra étudier comment la présence sous-jacente d’un personnage disparu donne une certaine densité à l’histoire.
L’autre différence concerne le rapport au père qui, dans les deux cas, est un personnage crapuleux, même s’il montre des touches de sensibilité, qui finit dans un sordide règlement de compte. Dans deux séquences quasi identiques, les deux films insistent sur le choc viscéral de la découverte du cadavre du père par leur propre fils. Mais le plus intéressant est de voir comment la suite, et donc le dénouement des deux films, va à la fois obéir au même schéma dramatique et radicalement diverger quant au sens profond des deux oeuvres.
Ainsi après la mort du père se pose la question de la soif de vengeance du fils. Dans les deux films, l’opportunité se présente sous la forme
d’un ultime duel dans une cage d’escalier. Au premier coup d’oeil, les photogrammes paraissent assez similaires : même bagarre, même cadrage en contre-plongée. Mais l’expression des acteurs est tout à fait opposée. Si Jimmy (Harvey Keitel) assouvit froidement sa soif
de vengeance en montrant un rictus bestial, Tom (Romain Duris) est submergé par le dégoût et la tristesse. La leçon du film-source repose sur un « devenir tueur » ;celle de De battre… mène plutôt à se rendre compte du dérisoire de la vengeance. Deux sens radicalement opposés
qui découlent de deux scènes presque identiques mais dont l’interprétation peut être totalement divergente.