En liberté
France / 2018 / 109' / fiction / 2.35:1 / couleur
Lycéens et apprentis au cinéma 2022-2023
L'histoire
Yvonne, lieutenante de police, élève seule son fils Théo depuis la mort de son mari, un commissaire héroïque et respecté de tous. Mais la jeune mère apprend par hasard la véritable nature de l’homme qu’elle croyait avoir aimé : un « ripou » crapuleux, qui n’a pas hésité à envoyer croupir en prison un innocent pour maquiller le braquage d’une bijouterie. Yvonne est bouleversée : sa vie était fondée sur des mensonges. Pour avoir la conscience en paix, elle décide d’aider Antoine, l’innocent en question, qui vient tout juste de sortir de prison. Mais Antoine n’a plus toute sa tête et il va bientôt entraîner Yvonne dans une folie schizophrénique dynamitant tout sur son passage.
À la suite de ces personnages hauts en couleur, Pierre Salvadori propose avec En liberté ! une comédie policière survoltée, multipliant les quiproquos et les situations les plus absurdes. Un film d’orfèvre aux dialogues finement ciselés qui est aussi une ode aux pouvoirs des histoires.
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Fiche technique
Réalisation Pierre Salvadori
Scénario Pierre Salvadori, Benoît Graffin,
Benjamin Charbit
Avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Audrey Tautou, Damien Bonnard, Vincent Elbaz
Image Julien Poupard
Montage Isabelle Devinck, Julie Lena, Géraldine Mangenot
son François Maurel
Musique Camille Bazbaz
Production Philippe Martin, David Thion pour
les films Pélléas
Distribution France Memento Films Distribution
« En liberté ! porte peut-être d’abord sur l’importance de la fiction
et du cinéma dans nos vies »
Pierre Salvadori
Pierre Salvadori, le rire salvateur
Scénariste et réalisateur de deux courts et de neuf longs métrages à ce jour, Pierre Salvadori occupe une place particulière dans le paysage cinématographique français. Auteur d’un cinéma de comédie raffiné tout en étant résolument populaire, il use du star-system pour explorer un humour soucieux de la fragilité des êtres et développer une écriture cinématographique efficace, stylisée et poétique, en filiation directe avec la grande comédie américaine, celle d’Ernst Lubitsch, Billy Wilder, Blake Edwards et consorts.
Né en 1964 en Tunisie, Pierre Salvadori grandit à Paris. Très tôt cinéphile, il s’inscrit en études cinématographiques à l’université et suit des cours d’art dramatique. Fasciné par les acteurs du cinéma américain, Salvadori cherche tout d’abord à devenir comédien. Il s’emploie à écrire du stand-up et se produit sur scène. Avec l’objectif d’interpréter des rôles à l’écran, le jeune auteur-acteur écrit ensuite un premier scénario, celui de Cible émouvante, refusé par tous les producteurs. La rencontre avec Philippe Martin est déterminante. Celui qui est alors le plus jeune producteur de Paris accepte de produire le film. Il pousse également le scénariste à se lancer dans la réalisation. Le pari est osé mais se révèle gagnant.
C’est alors le début d’un long compagnonnage qui donnera des films tels que Les Apprentis (1995), Après vous (2003), Hors de prix (2006), De vrais mensonges (2010), Dans la cour (2014) et La petite bande (2022).
Raconte-moi une histoire
Après le choc que fut pour elle la découverte de la vérité sur son mari, Yvonne cherche
la meilleure manière d’expliquer à son fils qui était véritablement son père. Elle ne sait pas non plus comment dire à Antoine le fait qu’elle est la femme de celui qui l’a fait condamner à tort. Louis, le collègue d’Yvonne au commissariat, ne sait pas comment avouer les sentiments amoureux qu’il nourrit à son égard. Confrontés à leurs actes, les interpellés
du commissariat cherchent le moyen d’y échapper en inventant des histoires… Rôles principaux ou secondaires, les personnages d’En liberté ! sont confrontés à la difficulté d’exprimer ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent ou ce qu’ils ressentent. Et c’est précisément dans le pouvoir de la fiction qu’ils trouveront le meilleur allié pour parvenir à leurs fins.
Dans la profondeur de l’image
Travailler l’aspect visuel d’un film,c’est penser à la fois aux éléments qui seront présents dans le cadre (costumes, accessoires, décors…), mais également à la manière de les filmer (échelles de plans, mouvements de caméra, rythme du montage). Chaque film invente son propre langage en fonction de son histoire et de ce que le ou la cinéaste souhaite en dire. Traitant du rapport entre la réalité et la fiction, entre l’ici et l’ailleurs, autour de personnages eux-mêmes scindés en deux, En liberté ! rend sensible ces oppositions en travaillant avec beaucoup de soin sur les rapports entre les avant-plans et les arrière-plans et entre le flou et le net dans l’image. À de nombreuses reprises dans le film, on pourra ainsi constater que l’action sur laquelle se focalise l’image bascule incessamment du premier plan au second, ou du flou vers le net, sans que le spectateur ne sache véritablement où fixer son attention.
Ce jeu sur la profondeur de l’image est une manière pour le réalisateur de transmettre au spectateur un peu du sentiment de désorientation
qui habite ses personnages.
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À la croisée des genres
Comme son titre le laisse deviner, En liberté ! est un film qui s’affranchit avec bonheur des cadres et des codes. Son argument principal, ancré autour
de la vie d’un commissariat de police et d’un repris de justice retrouvant sa liberté, et son traitement, qui donne aux scènes d’action un ton comique, peuvent le rattacher à la comédie policière, genre qui fit les beaux jours du cinéma populaire. Structuré autour d’un chassé-croisé amoureux mettant
en miroir deux couples — Yvonne et Louis, Antoine et sa compagne Agnès —, le film est également pimenté d’un soupçon de comédie romantique.
Sa manière de travailler le comique est elle-même plurielle et mêle différentes approches : elle passe par des dialogues ciselés n’hésitant pas par instant à se faire poétiques, par une construction scénaristique accumulant les quiproquos et les situations les plus invraisemblables et par une invention visuelle qui fait tout le raffinement de la mise en scène de Pierre Salvadori.
Mais au-delà de ces divers croisements, c’est surtout le mélange des émotions que semble ici viser Pierre Salvadori :
un mélange de délire échevelé et de tendresse infinie qui fait toute la beauté de son cinéma.
Figures du double
En liberté ! est un film qui semble parfois pris d’un étrange bégaiement. Certaines scènes se répètent ou se dédoublent. Ainsi, Yvonne racontera à six reprises une histoire du soir à Théo, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Un dangereux psychopathe essayera à plusieurs reprises de venir avouer ses méfaits au commissariat, sans succès. Les personnages se reflètent les uns dans les autres, comme s’ils étaient pris dans un jeu de miroirs. Une sortie de prison renvoie à une autre, tout comme un braquage de bijouterie répond à un autre. Cette prolifération des doubles est l’un des moteurs du comique d’En liberté !. Mais c’est aussi une belle invitation à réfléchir sur les liens entre la réalité et son reflet, la fiction, ainsi qu’à ceux existant entre des personnages qui, pris de culpabilité ou d’empathie, se reconnaissent dans l’autre au point parfois d’en prendre la place.
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Feu d’artifices
Faisant entendre plusieurs fois le bruit caractéristique d’un projecteur pour relancer sa machine à histoires, En liberté ! affirme clairement être
du cinéma et non la réalité, aspect que la plupart des films cherchent à faire oublier au spectateur pour lui permettre d’entrer dans l’histoire
et de s’identifier aux personnages. Dans son film, Pierre Salvadori fait au contraire le choix d’assumer l’artificialité de la fiction et n’hésite pas
à la souligner par ses choix esthétiques. On notera par exemple l’hilarante extravagance des costumes en latex que l’on croise à plusieurs reprises.
Plus subtilement, on remarquera aussi le travail effectué au niveau de la lumière. Si celle-ci est parfois très réaliste, elle s’autorise par instants
— dans la scène du jardin qui conclut le film, par exemple — des petites digressions fantastiques. Dans le cinéma de Salvadori, le faux est parfois
le meilleur chemin pour faire advenir la vérité.
Au centre de l’écran, une porte close,
et une voix féminine qui soudain conclut : « Voilà, c’est fini. »
Le générique d’ouverture d’En liberté !est à peine commencé que déjà la fin de séance est sonnée !
Pierre Salvadori joue avec le spectateur et son désir d’histoire.
Une voix enfantine se fait le porte-parole de ce dernier — « Oh non, encore cinq minutes, pitié, pitié maman ! » — et réussit à se concilier les bonnes grâces de la mère en question.
Un bruit de projecteur se fait alors entendre. L’histoire et le film peuvent reprendre, si ce n’est commencer.
Et soudain, la porte explose en morceaux et laisse passer un homme, arme à la main. Mise en lien avec le petit jeu installé par le réalisateur autour du vrai-faux départ du film, l’arrivée du personnage ne correspond pas seulement à l’entrée d’un policier dans un laboratoire de drogue clandestin. C’est aussi un héros qui traverse l’écran et s’avance vers les spectateurs.
C’est le cinéma et ses histoires qui déboulent avec fracas dans la salle. L’annonce d’un film, qui s’ouvre à peine, et qui s’attachera précisément à explorer la place, précieuse et irremplaçable, que la fiction occupe dans nos existences.
Pour aller plus loin
Cinq films qui ont inspiré Pierre Salvadori :
• Sérénade à trois (1933) d’Ernst Lubitsch, DVD et Blu-ray, Elephant Films.
• La Fille de la cinquième avenue (1939) de Gregory La Cava, DVD, Éditions Montparnasse.
• La Garçonnière (1960) de Billy Wilder, DVD et Blu-ray, Rimini Éditions.
• Princess Bride (1987) de Rob Reiner, DVD et Blu-ray, 20th Century Fox.
• Mary à tout prix (1998) de Bobby et Peter Farrelly, DVD et Blu-ray, 20th Century Fox.
Deux albums
• Bazbaz café (2016) et Manu Militari (2019) de Bazbaz, le compositeur de la musique du film.
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Transmettre le cinéma
Des extraits de films,
des vidéos pédagogiques, des entretiens avec
des réalisateurs et des professionnels du cinéma.
↳ https://transmettrelecinema.com/film/en-liberte
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En liberté
la Fin
Lycéens et apprentis au cinéma 2022-2023
L'analyse de séquence
La vidéo pédagogique
le Cravlor a demandé à Wilfried Jude, réalisateur,
de créer une vidéo autour du film
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Rédacteurs en chef : Camille Pollas et Maxime Werner | Rédacteur de la fiche : Bartłomiej Woźnica | Iconographe : Mathilde Trichet | Révision : Capricci Éditions |
Conception et réalisation : Capricci Éditions — 70 rue de Coulmiers, 44000 Nantes — www.capricci.fr |